Les chiffres sont sans équivoque : en France, en 2020, le nombre de fumeurs ne diminue plus. Pire, il serait en légère augmentation selon une étude de Santé Publique France (1). Si cela peut donner à réfléchir dans le contexte de pandémie mondiale et de confinement de l’année dernière, la stabilisation du nombre de fumeurs aurait déjà commencé avant le 1er confinement, selon la même étude.
La Suisse, elle, se classe dans la moyenne européenne en termes de nombre de fumeurs. Cependant, elle applique des lois plus laxistes que ses voisins. En effet : jusqu’en 2016, en Suisse, il suffisait d’avoir 16 ans pour pouvoir légalement acheter des cigarettes. De plus, actuellement, le paquet neutre (sans l’emballage propre à la marque) n’y est pas utilisé, et le prix du paquet est inférieur à celui appliqué en France.
Conscient de la situation, le conseil fédéral a proposé fin 2016 une modification de la loi interdisant la vente de tabac aux moins de 16 ans, et régulant la publicité sur divers supports tels que la télévision, les affiches urbaines ou la radio. Elle a été adoptée fin 2017. Mais à l’ère du numérique, interdire la publicité radiophonique est probablement de faible impact sur le public. En effet : chaque jeune Européen passe en moyenne 2,3 heures quotidiennes sur son téléphone portable. Autant de temps au cours duquel le cerveau est réceptif aux informations qu’il reçoit, parmi elles la publicité.
C’est donc sans surprise que les fabricants de tabac se sont approprié les réseaux sociaux pour en faire leur support publicitaire principal et le plus efficace en Suisse, principalement dans la tranche d’âge la plus exposée : les 15-25 ans. Et c’est sur Instagram que ça se passe.
Il y a deux stratégies publicitaires déployées par les fabricants sur Instagram. La première est l’utilisation de l’algorithme du réseau social, servant à cibler les spots publicitaires lorsque les utilisateurs sont dans l’application. De cette manière, les vendeurs peuvent proposer leur contenu en toute liberté, atteignant directement un public ciblé.
La seconde stratégie est elle aussi connue, et son efficacité, bien que certaine, est difficile à mesurer avec précision. Elle consiste en l’utilisation d’influenceurs (personnes avec une forte audience sur le réseau social) pour promouvoir le produit. À la façon des marques de prêt-à-porter ou de cosmétiques, les tabatiers utilisent ces utilisateurs au public jeune et réceptif pour alimenter l’image festive, jeune et « cool » de la cigarette, avec un effet certain sur le public cible.
Des témoignages des influenceurs en question ont été recueillis par le site TakeAPart.org, qui a également dévoilé le type de proposition de collaboration reçue par ces mêmes influenceurs :
L’utilisateur, qui souhaite rester anonyme, avoue avoir quelques fois cédé aux offres alléchantes des fabricants de cigarettes, sans toutefois donner de chiffre. Et selon ce même site (2), il y aurait environ 400 millions d’influenceurs concernés à travers le monde.
400 millions d’influenceurs, des sommes qui se chiffrent en milliards de dollars et une législation nationale et internationale qui peine à s’adapter aux nouveaux modes de communication : voici quelques-unes des raisons pour lesquelles la publicité contre le tabac prospère. Certes, le confinement causé par la pandémie de COVID-19 a joué un rôle dans la stabilisation du nombre de fumeurs en 2020. Mais une chose est certaine : tant que les jeunes seront soumis à sa publicité, le tabac aura encore de beaux jours devant lui.
Références